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Lundi 23 février 2009
Le 19 février 2009, Envoyé Spécial consacrait un reportage intitulé
« un rêve sans fin » à l'humanité du futur, dont les performances et la
longévité seraient décuplées par les prouesses de la génétique et des
nanotechnologies. Dans les
dernières scènes de ce film, tournées à la faculté de médecine de
Paris en juillet 2008, apparait un « obscur petit groupe » venu interrompre
une conférence. De lui, on n'apprend rien, sinon qu'il est violent et
antidémocratique.
Passons sur la prétendue violence, réfutée par les
images mêmes du documentaire.
L'important est de rappeler pourquoi c'est au nom
d'une démocratie possible que nous avons dénoncé,
comme nous continuerons à le faire, les prétentions totalitaires de la
génétique.
Dans cette conférence sympathiquement intitulée « l'homme transgénique : un
infini, des possibilités », J.-C. Weil et M. Radman exposaient leurs travaux
: induire chez les souris, et plus tard chez les humains, des mutations
génétiques permettant de retarder l'apparition du cancer et de prolonger la
durée de la vie humaine bien au-delà de cent ans.
Loin d'être un simple débat d'idées, comme le dit la journaliste, cette
conférence était un exposé des recherches actuellement menées par les
principaux instituts scientifiques français. Ces expériences y sont
financées à hauteur de centaines de millions d'euros
par les fonds publics et les entreprises de biotechnologie. Il ne s'agit
donc pas d'idées, mais de réalisations bien concrètes qui déterminent la
manière dont on voudrait nous faire vivre demain. La force de frappe des
biotechnologies semble assez bien démontrée par l'impuissance à laquelle
sont réduits tous ceux qui s'opposent à la diffusion des plantes
génétiquement modifiées dans le milieu naturel et dans
l'alimentation.
En somme, si les recherches en génétique n'avaient pas une telle puissance
d'action sur le monde via le soutien actif de l'Etat et leur valorisation
immédiate par les firmes de biotechnologie, si elles n'étaient pas financées
par nos impôts, s'il s'était agi, donc, d'un simple débat philosophique,
nous ne nous serions peut-être pas
dérangés.
Replaçons cette conférence dans son contexte. Il est maintenant avéré que
les dégâts provoqués à notre milieu de vie par l'industrie induisent une
épidémie de cancers, d'allergies et de maladies nouvelles.
L'institution scientifique, loin de s'interroger
sur les causes de ces maux, s'attache à bricoler les humains pour les
adapter
à leur environnement pathogène.

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Pas de panique, Mesdames et
Messieurs, nous avons la solution à tous vos problèmes, l'ultime synthèse, la
fin de l'Histoire : l'homme transgénique. Déjà, l'abondante
production laborantine d'animaux transgéniques sert, entre autres choses, à
étudier quelles mutations devront subir les
humains pour cohabiter avec la radioactivité, la pollution chimique et électro-magnétique,
etc.
D'ailleurs, il ne s'agit pas seulement d'adapter l'humain, mais de l'améliorer.
En gommant certains de ses « défauts » (disaient les conférenciers ce jour-là),
comme celui de ne pas vivre au-delà d'une petite centaine d'années. Puis, par le
biais du diagnostic pré-implantatoire, de s'assurer qu'il ne souffre pas de
tares.
Ensuite, d'augmenter ses « performances », selon les
critères en vigueur.
C'est notamment ce que dit le généticien Daniel Cohen,
bien placé, comme Weil et Radman, dans les institutions
scientifiques : «Je crois en la possibilité d'une nouvelle évolution biologique
humaine consciente et provoquée, car je vois mal l'homo sapiens (...) attendre
patiemment et modestement l'émergence d'une nouvelle espèce humaine par les
voies anachroniques de la sélection naturelle.»
L'industrie de la biotechnologie est bien placée pour
tirer un profit maximal du travail de ces darwinistes pressés...de devenir
vraiment eugénistes.
Nombre de biologistes ont la mauvaise habitude de confondre l'évolution des
espèces et celle des sciences. Pour eux, la biologie prend naturellement le
relais de l'évolution millénaire des êtres vivants. Et puisque cette évolution
est « naturelle », la récuser n'a aucun sens. C'est précisément ce que dit
Miroslav Radman dans ce reportage, quand il commente notre intervention : « S'il
y avait eu cette peur du changement au début de la vie, il n'y aurait
aujourd'hui que des bactéries ». Une remarque emblématique de l'arrogance naïve
des généticiens, qui se prennent pour les concessionnaires d'une aventure
commencée il y a 3,5 milliards d'années. Au regard de ce que la science
industrielle a réussi à faire de la planète en quelques décennies seulement, des
processus incontrôlables qu'elle a déclenchés dans la nature au moment même où
elle prétendait la maîtriser, nous pensons qu'il est pour le moins raisonnable
de s'opposer à ces recherches. Et ce, avant qu'un comité de sages présidé par
les mêmes ne vienne dûment encadrer le fait accompli et le certifier éthiquable.
Nous n'avons pas peur du changement. Pour la bonne raison que ce que propose
aujourd'hui la génétique, ce n'est pas le changement, mais la continuation du
monde tel qu'il va, en pire : des pollutions
ingérables, l'objectivation croissante des individus, le remplacement de la
politique par des pseudo-impératifs techniques. Quand le capitalisme industriel
promet longévité et santé, nous serions tentés de ne pas le croire et de juger
sur pièce. Du reste, dans un monde où le fichage génétique s'étend paisiblement,
les promesses de longévité deviennent vite prouesses d'aliénation. Nous disons
donc que le véritable changement, à rebours des lendemains radieux promis par la
biotech, réside dans notre capacité politique à associer
les tares des uns et des autres pour produire de la dignité et de l'autonomie.
Groupe Oblomoff.
http://bellaciao.org/fr
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