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Communiqué de presse d'OGM dangers
du 21/12/1999
Enjeux éthiques de la transgénèse :
standardisation
et hybridation
Anne Liebskind présente l'association "OGM dangers" (01.43.73.49.49 BP9, 95360
- Montmagny)
Hervé Le Meur (HLM) introduit le débat en rappelant que, récemment, il a montré une
photo de souris génétiquement modifiée sur laquelle on a greffé une oreille humaine.
Un ami lui a dit " Oui je sais ; je l'ai déjà vu ". Son intérêt était
fortement diminué par le caractère non nouveau de la photo. HLM interprète cette
réaction par une attitude consumériste vis-à-vis de l'information (surtout visuelle) et
rappelle qu'il ne faut pas banaliser certaines choses. Le siècle à venir ne doit pas
nous faire oublier ce qui constitue peut-être le socle de ce qu'est l'humain et c'est
justement un des rôles de la philoS. que de questionner là où la Science ne peut
aller. HLM présente donc Isabelle Rieusset-Lemarié (IRL) qui a publié récemment un
livre intitulé La société des clones à l'ère de la reproduction multimédia (Editions
Actes Sud, 1999) et lui laisse la parole.
-IRL dénonce une compréhension réductrice de l'humanisme qui se contente de ne
défendre que l'homme (et encore l'homme dans son intégralité, mais pas les parties de
l'homme, ni même l'homme en devenir). Dans cette défense exclusive, l'humanisme est
complice d'une application cynique des sciences au vivant, dès lors qu'il ne s'agit
d'animaux et pas d'hommes. Elle prend pour exemple la controverse de Valladolid (ville
espagnole). La question : les esclaves ont-ils une ame, étant prise sous l'angle
théologique. Les idéalistes (qui soulignent la culture de l'humain) y défendaient la
négative, alors que les 'matérialistes' la réponse positive. Sous entendu: s'ils n'ont
pas d'âme, ils ne sont pas humains, donc on peut les traiter "comme des
bêtes", ce qu'il faut entendre comme "n'importe comment". De façon
apparemment surprenante, la question de l'âme des animaux se retrouve au coeur du débat
entre cartésiens et gassendistes: c'est La Mettrie, un matérialiste, qui insiste pour
accorder une âme aux animaux, pour les respecter, alors qu'on dit qu'à Port Royal (le
lieu privilégié des jansénistes) on pratique la vivisection, sous prétexte que n'ayant
pas d'âme, les animaux ne souffrent pas et que les cris ne sont qu'une réaction
"mécanique". On a ainsi une inversion, par rapport à ce qu'on pourrait
attendre, dans laquelle les matérialistes défendent l'âme et les idéalistes sont plus
réticents. On verra plus loin comment le schéma de cette controverse revient dans
l'analyse d'IRL.
- IRL considère que l'éthique ne s'arrête pas à l'homme.
- On a pu " prouver " que l'homme et le chimpanzé sont plus proches entre eux
que du gorille [c'est le genre de propriété qui définit la proximité par le nombre de
gènes en communs, ... bref, c'est discutable, mais ca n'importe pas dans le raisonnement
de IRL]. On est alors dans la duplicité car on dit dans le même temps que l'animal n'a
pas d'âme, qu'il est loin de l'homme, ... mais c'est justement parce qu'on considère
qu'il est proche de l'humain qu'on l'utilise pour faire des expériences.
- Certains disent que le gène, le génome, ne sont pas la Vie. Et que donc on peut les
breveter, leur faire subir les pires avanies et toutes les modifications. Une de leurs
motivations, alléguée souvent, est que, sinon, on devient déterministe car on donne
trop d'importance au gène. Que, par comparaison, ils défendent donc l'image de l'homme
comme être de culture et non être défini par sa génétique. Mais ce sont souvent les
mêmes qui, "progressistes", sont intéressés par la technique et le progrès
scientifique. Ils s'émerveillent donc devant le clonage (en reconnaissant l'importance
des gènes et d'une simple cellule à partir de laquelle on peut recréer un être
vivant).
- Leur discours est que, la culture étant la signature de l'homme, tout ce qui éloigne
l'homme de la nature par une mise en jeu de la technique serait "bon". On oublie
l'articulation en l'homme de la culture et du corps. On réduit l'homme à ce qui serait
en lui haine de l'animalité. Il ne s'agit pas d'avoir une haine de l'humain mais
seulement de s'interroger sur les écueils de certaines conceptions de l'humain. Le
paradoxe apparent, déjà mentionné pour Valladolid, se retrouve un peu ici avec des
principes premiers jugés bons par quelques-unes de leurs conséquences effectivement
bonnes, mais qui donnent des conclusions ultérieures opposées.
-D'autre part, les défenseurs du clonage, qui se présentent souvent sous les atours des
opposants aux " écologistes hystériques ", rappellent avec raison que le
côté "photocopie" du clonage auquel le citoyen lambda est sensible, est faux,
justement car un être ne se réduit pas à son génotype [ensemble des caractères
induits par les gènes ; par exemple la couleur des yeux. On pourrait l'appeler inné si
ce mot avait un sens] mais a aussi un phénotype [ensemble de caractères induits par
l'histoire, le comportement, la culture,... par exemple la coupe des cheveux. On pourrait
l'appeler acquis si ce mot avait un sens]. Et de revenir sur un dithyrambe de la culture
qui, effectivement, différencie deux jumeaux homozygotes. Même si, pour un biologiste,
deux jumeaux sont assimilables à des clones [je n'ai pas écrit sont des clones ! ], les
deux sont radicalement différents :
+ les clones sont créés techniquement, pas les enfants. Cependant les Procréation
Médicalement Assistées (PMA) sont déjà une technicisation de la reproduction.
+ Plus grave : les jumeaux ne sont pas créés *pour* être pareils. Des clones SI !
C'est, ici aussi, l'intention qui compte et qui crée la singularité ou en tout cas qui
ne limite pas la possibilité de développer des différences.
- IRL déduit de ce qui précède (en fait d'une argumentation plus longue et plus
complexe développée dans son livre) que le clonage [au sens biologique] animal peut
apparaitre encore plus scandaleux que le clonage de l'humain, dans la mesure où les
animaux, mêmes complexes, ne bénéficient pas de la capacité différenciatrice de la
culture, de "l'acquis". Ils tirent leur singularité de cette quintessence de
singularité créée par la reproduction sexuée, en tant que produit complexe de
l'évolution.
- [En très gros, les défenseurs de la culture en premier ne croient qu'en l'acquis, et
refusent d'accepter l'inné associé au déterminisme et donc ennemi de la liberté qu'ils
défendent. Le clonage n'a donc pas de raison de leur faire peur. Seul l'eugénisme
pourrait les interroger mais ils préfèrent le voir comme un ensemble de " pratiques
médicales techniciennes ".] Mais IRL souligne que la capacité du phénotype à
produire des différences ne résisterait pas, à long terme, à une société ayant fait
le choix de standardiser le génotype. Tous différents dans des corps semblables n'est
pas, à terme, tenable. Tous libres en tant qu'hommes dans des corps produits comme des
artefacts, même un peu différents, n'est pas, non plus, tenable.
- IRL en conclut que, si l'on s'oppose au clonage humain, c'est aussi pour l'aspect être
de chair, animal en l'homme. Il est donc nécessaire (mais non suffisant) de refuser aussi
le clonage animal.
- Dans la société de multimédia (cf. titre du
livre d'IRL), on considère que le corps est un média. On nie donc l'aspect incarné
considéré comme inférieur [par ces intellectuels]. |

- Par la transgénèse, c'est à la fragmentation, à une atteinte à la mémoire de
l'espèce qu'on assiste.
- Les premiers émois, après Dolly [premier grand mammifère cloné] ont été pour dire
" Mais ca ne sert à rien "]. De plus, ces émois sont restés lettre morte au
point qu'on pourrait se demander si Dolly n'a pas été le meilleur moyen pour nous en
faire accepter d'autres ! Quand il y a eu Polly [premier grand mammifère cloné et "
génétiquement amélioré "], on a répondu : " vous voyez que ca sert : ca
permet d'avoir plus facilement des animaux qui produisent des substances
thérapeutiques".
- IRL cite un article qui dit que " l'éthique sert à amortir les chocs à venir
". [En clair, c'est le meilleur moyen pour nous faire gober n'importe quoi en
douceur]
- IRL fait référence au philosophe Benjamin qui avait dit (au début), que la
reproduction multiplication des oeuvres d'art (donc non sexuelle ! ) était utile pour se
débarrasser de la tradition. Plus tard, il est revenu sur cette thèse car il s'est dit
que cela éliminait aussi l'artiste en ce qu'il est celui qui transmet une mémoire
indissociable de son expérience, incarnée et mortelle [il est un peu l'être de chair et
l'oeuvre la "teneur" de cette expérience à laquelle elle donne corps].
- Le message de notre société (de
multimédia) est la portabilité : ce qui compte c'est le logiciel, non l'ordinateur. Peu
importe le support : tout message doit être reproductible sur tout média, considéré
comme un suport inerte, en lui-même inessentiel.
- Dans une telle société, on peut parler d'" usine vivante " pour Polly : elle
n'est plus qu'un média pour produire des protéines.
- L'idéologie de la communication ne raisonne plus qu'en termes de transfert. Pas
d'être. [en termes plus économiques, ce qui compte devient l'accroissement de valeur,
plus encore que la valeur elle-même].
- Dans une société de clones, le génotype est sans diversité. Or, IRL est persuadée
qu'il y a interaction entre lui et le phénotype. La perte de diversité ne serait donc
pas *que* dans les génomes.
- La sexualité implique des être tous uniques [HLM rappele le lien entre sexualité,
sélection des espèces et espèces complexes].
-La société du clonage est donc un retour en arrière, à un temps d'avant, au temps de
la paramécie!
- Il paraît que la Conf. Pays. a dit que le clonage ne servait à rien car il n'y a pas
qu'un seul modèle. [Si ca ne servait à rien, les financiers ne s'y intéresseraient pas.
De plus, même s'il n'y a pas qu'un seul modèle, une vache Holstein produit 10.000 litres
de lait par an. C'est suffisant pour que les exploitants agricoles bazardent les vieilles
races moins productives, malgré la diversité des modèles alléguée ! ].
- Bien sûr, tous ces problèmes sont liés (amont et aval) à la brevetabilité du vivant
(gènes, organismes, ...).
- Les biologistes passent leur temps à dissocier des brins d'ADN. Ils sont donc
naturellement mécanistes et réductionnistes, même s'ils sont convaincus que la
réalité est plus complexe.
- En faisant des chimères, on fera souffrir les deux espèces.
- La transgénèse s'affranchit des barrières d'espèces. Du même coup, elle néglige la
spécificité des mémoires d'espèces. C'est la thèse centrale du livre d'Isabelle
Rieusset-Lemarié: ce qui dans le clonage porte atteinte à l'unicité, ce n'est pas tant
le spectre de la duplication à l'identique que la manipulation de la mémoire. Qu'en
est-il de ces êtres vivants qui auraient plusieurs âges, parce qu'ils seraient dotés,
outre de la mémoire de leur propre développement, de la mémoire de la vie d'un autre
organisme dont ils ont été antérieurement une partie? Comment vont cohabiter ces
mémoires? Ne risquent-elles pas de rentrer en conflit? Ces êtres vivants ne sont-ils pas
exposés à souffrir de réminiscences? Faut-il que le clone transgénique demande au
scientifique qui l'a conçu le modèle de cette composition hétéroclite qui lui tient
lieu d'identité? Est-il privé, ce faisant, de la caractéristique fondamentale de la
vie, qui tient à sa capacité d'autoreproduction au sein d'une même espèce? Il est
extrêmement difficile d'obtenir qu'une créature transgénique transmette le gène d'une
autre espèce dont on l'a dotée à sa progéniture. A fortiori, comment envisager la
reproduction de cet agrégat de pièces hétéroclites que sera un être conçu comme un
réservoir d'organes transgéniques. Les producteurs de créatures transgéniques
iront-ils jusqu'à les doter d'un programme bio-informatique pour qu'elles possèdent dans
leur mémoire artificielle un modèle d'autoreproduction? Iront-ils jusqu'à transformer
ces créatures déjà hybrides en "Cyborgs", mi "cyber-créatures" mi
organismes vivants? Mais même si tel était le cas, ces êtres vivants n'imposeront-ils
pas silence à cette mémoire artificielle pour laisser s'exprimer, dans la cacophonie, la
mémoire des deux ou trois espèces d'êtres vivants dont ils ont été issus par
hybridation? L'être transgénique
ne peut être qu'un être parcouru de conflits
entre des mémoires en souffrance dont il pâtira. Une créature transgénique, c'est pour
une part un artefact privé ou doté comme tel de la capacité d'auto-reproduction, mais
cela reste un être vivant hybride habité par des mémoires contradictoires. Chacune de
ses cellules garde la mémoire de l'identité de l'être dont elle n'était qu'une partie.
Ces êtres transgéniques ne peuvent être qu'un agrégat de mémoires en souffrance, à
la recherche de leur identité perdue.
Salle : Je vous trouve trop dure envers les scientifiques. C'est grâce à eux que l'on a
de l'insuline, que l'on peut soigner des maladies. Non, le fautif c'est le veau d'or.
Salle : Je ne pense pas qu'on puisse séparer
les deux : les chercheurs sont aussi utilitarisés par les multinationales et leurs
relations sont complexes.
Ont suivi divers échanges que je n'ai pas transcrits ou dont je ne retrouve plus le lien
avec le sujet.

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