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Que choisir 04 février 2004 ________________________________ Alors que les cultures de végétaux transgéniques pourraient être à nouveau autorisées sur le sol européen, la cohabitation avec les agricultures conventionnelle et bio s'annonce délicate. Risques de contamination, responsabilité en cas de litige... autant de questions à régler avant toute levée du moratoire. L'affaire semble désormais entendue. Selon toute vraisemblance, la levée du moratoire sur la culture des plantes génétiquement modifiées au sein de l'Union européenne n'est plus qu'une question de mois. Cette interdiction provisoire avait été décidée en 1999, les Quinze estimant qu'une réglementation précise sur la traçabilité et l'étiquetage des organismes génétiquement modifiés (OGM) constituait un préalable à tout développement à grande échelle de ces cultures(1). Aujourd'hui, les règlements en question sont en passe d'être adoptés et nombreux sont ceux qui poussent à la roue pour une levée rapide du moratoire. Au premier rang desquels, bien évidemment, les semenciers producteurs d'OGM. Mais aussi David Byrne, le commissaire européen à la Santé et à la Protection des consommateurs (!), qui trouve les États membres «excessivement timides» et les exhorte vivement à convaincre leurs citoyens de l'absence de risque imputable à ces plantes Un vrai casse-tête Pourtant, tout est loin d'être réglé. Une question turlupine en ce moment agriculteurs et autres experts du dossier : comment faire coexister champs de végétaux transgéniques, traditionnels et bio en maintenant une certaine étanchéité entre les trois filières ? Comment éviter les multiples occasions de contaminations : mélanges fortuits au stade des semences, de la récolte, du stockage ou de la distribution, mais aussi transport du pollen ou des graines entre champs voisins par le vent, les insectes ou les engins agricoles. Les données pour l'instant disponibles laissent à penser que l'exercice relève du casse-tête. Ainsi, le Centre commun de recherche de l'Union européenne a mené une étude prospective sur la coexistence des trois filières, en se penchant sur trois cultures en particulier : colza, maïs et pommes de terre. Les chercheurs insistent sur la nécessité, pour maintenir une certaine étanchéité, d'abandonner les vieilles habitudes: il faudra modifier les pratiques culturales, accentuer la surveillance, envisager de souscrire des assurances en cas de contamination fortuite (à condition que les compagnies acceptent d'assurer ce risque - ndlr). cout supplémentaire attendu : de 1 à 9% pour le maïs et les pommes de terre et de 10 à 41% pour le colza. Autre constat peu engageant : si l'on maintient l'exigence actuelle pour l'agriculture biologique - pas de traces d'OGM détectables -, celle-ci ne pourra pas cohabiter dans une même région avec des cultures OGM. Reste à savoir ce que l'on entend par «région». Même question quand les experts concluent que «la coexistence de cultures OGM et conventionnelles dans une région pourrait être possible techniquement mais serait économiquement difficile à cause des couts et de la complexité des changements induits.(2) » Problématiques zones tampons Pour Antoine Messéan, chercheur à l'Inra, chargé d'étudier l'impact écologique des innovations en agriculture, les choses ne sont pas aussi simples: «Le techniquement faisable ou l'économiquement viable sont variables suivant les cultures, les pratiques agricoles et la structure des paysages (tailles des parcelles, fait qu'elles soient imbriquées ou non, etc.). Il faudrait étudier cela par grande région de production.» Si le chercheur ne juge pas inenvisageable la coexistence entre les trois filières, il estime qu' «aujourd'hui, il est impossible de garantir cette coexistence dans toutes les situations. Nous manquons encore de données précises qui pourraient être obtenues par des études de terrain.» Des études moins théoriques que celles actuellement disponibles. «Il faut tester avec les agriculteurs la faisabilité, l'acceptabilité des changements. Par des enquêtes au cas par cas ou par des démonstrations : on consacre quelques centaines d'hectares à des cultures transgéniques dans une région, à titre pilote, et on regarde ce que ça pose comme contraintes.» A priori, celles-ci sont déjà connues dans leurs grandes lignes. Par exemple, pour éviter les contaminations, il faudrait prévoir des distances d'isolement entre champs de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de mètres ou encore des floraisons décalées parfois de plus d'un mois. Sauf que l'on imagine assez mal plusieurs agriculteurs voisins, les uns faisant de l'OGM, d'autres du traditionnel et d'autres du bio, s'arranger entre eux pour sacrifier une partie de leurs champs et les transformer en zones tampons, ou pour modifier leurs pratiques culturales sous prétexte que le collègue n'a pas choisi la même filière... Et si OGM et bio sont incompatibles dans une même région, comment décider du partage du territoire ? Des questions de responsabilités Enfin, aucune des questions liées à la gestion d'éventuelles contaminations n'est réglée. Qui sera responsable si une récolte bio est invendable parce que contaminée par des OGM via le pollen ou les insectes ? Si un consommateur se fie à une mention «sans OGM» alors que le produit en contient fortuitement au-delà du seuil admis? Si la dissémination de transgènes provoque des dégâts écologiques irréversibles (QC n° 394)? «Les semenciers prétendent que les végétaux transgéniques ne présentent pas le moindre risque. C'est pourquoi ils ne devraient pas être opposés à l'instauration d'un système de responsabilité objective sans faute comme c'est le cas dans d'autres domaines», estime Me Patricia Savin, avocate spécialiste du droit de l'environnement. Dans un tel système, le semencier à l'origine de l'OGM en cause serait automatiquement désigné comme responsable en cas de problème. La proposition semble logique, davantage en tout cas que la constitution d'un fonds calamités dont il est parfois question. Comme si la culture des OGM constituait une fatalité à laquelle on ne saurait se soustraire. Quoi qu'il en soit, la question de la responsabilité juridique doit elle aussi être réglée avant toute levée du moratoire. Après, il sera trop tard. Réglementation Question de seuils Aujourd'hui, les industriels sont tenus d'indiquer la présence d'un OGM dès lors que celui-ci dépasse un seuil de 1% de l'ingrédient considéré (par exemple, 1% de lécithine de soja transgénique dans la lécithine de soja). En dessous de ce seuil, on admet qu'il puisse s'agir de présence fortuite, à condition que le fabricant soit en mesure d'en apporter la preuve. Selon un projet de règlement européen, ce seuil devrait être abaissé à 0,9%, mais le parlement de Strasbourg, qui doit examiner le texte très prochainement, est favorable à une limite de l'ordre de 0,5% seulement. D'autre part, l'étiquetage serait obligatoire même lorsqu'il ne reste pas dans le produit final de traces de protéines ou d'ADN génétiquement modifié, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Les aliments pour animaux seraient aussi soumis à ces mentions obligatoires. La question du seuil de présence fortuite au stade des semences reste encore à régler. On parle de 0,3 à 0,7% selon les variétés. Côté traçabilité, un règlement est aussi en discussion, qui prévoit une identification écrite de la présence d'OGM par tous les opérateurs successifs. (1) Un précédent moratoire sur la culture du colza avait été décidé en 1998 pour des raisons environnementales, les risques de contaminations aux champs étant cruciaux pour cette plante. D'autre part, le maïs OGM, autorisé avant le moratoire, n'est cultivé qu'en Espagne. (2) L'étude tient compte d'un seuil de contamination fortuite acceptable de 1% maximum pour les productions agricoles et de 0,3% pour les semences. Fabienne Maleysson |
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