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Paris, 13 FEVRIER 2009
Dans l'océan Indien Austral, le changement
climatique se traduit par des vents plus forts qui brassent les eaux et
entraînent une remontée de CO2 en surface depuis les profondeurs. C'est
l'analyse des chercheurs qui ont travaillé sur les dernières mesures de
terrain réalisées par l'INSU (1) du CNRS, l'IPEV (2) et l'IPSL (3). Résultat
: l'océan Austral ne peut plus absorber autant de CO2 atmosphérique
qu'auparavant. Son rôle de « puits de carbone » diminue. Il serait même dix
fois plus faible que précédemment estimé. On observe la même tendance dans
les hautes latitudes de l'Atlantique Nord.
L'augmentation du taux de CO2 dans l'atmosphère, responsable du
réchauffement climatique, est le résultat des activités humaines
(utilisation de combustibles fossiles et déforestation). Mais le
réchauffement est atténué par les océans et les écosystèmes continentaux,
capables d'absorber une grande partie des émissions de CO2. L'océan est le
principal puits de carbone (4) planétaire, mais depuis dix ans, il est de
moins en moins capable de jouer ce rôle, au nord comme au sud.
Ce constat est celui de Nicolas Metzl et de son équipe au laboratoire LOCEAN
(5) de l'IPSL. Il s'appuie sur les mesures du Service d'observation OISO
(6), qui a vu le jour il y a dix ans, grâce au soutien de l'INSU du CNRS, de
l'IPEV et de l'IPSL, pour mieux évaluer les variations du cycle du CO2
océanique sur des échelles saisonnières à décennales. De 1998 à 2008,
l'observatoire OISO a mené des campagnes répétées de mesures de CO2 dans le
sud de l'océan indien, entre 20 et 60 degrés de latitude, à bord du navire
Marion-Dufresne (7). Les données ainsi récoltées, associées à des données
plus anciennes (1991-1995), indiquent que la quantité de CO2 augmente plus
rapidement dans les eaux de surface que dans l'atmosphère (de 2.1
microatmosphères/an dans l'eau contre 1.7 seulement dans l'air). Ainsi, bien
que le taux de CO2 dans l'atmosphère reste supérieur à celui des eaux de
surface, la différence s'amenuise.
Selon l'analyse de N. Metzl, responsable du programme OISO, cette
augmentation est la conséquence des changements climatiques dans les hautes
latitudes, qui se traduisent par une différence relative des pressions
atmosphériques entre 40 et 60 degrés de latitude sud. Cette différence
accrue entraîne une augmentation de la vitesse des vents, qui a pour effet
un brassage plus important de l'océan : les eaux de surface se mélangent
avec les eaux profondes. Or, les eaux de surface contiennent moins de CO2
qu'en profondeur, car ce gaz est pompé par l'activité de photosynthèse du
phytoplancton marin. De plus, quand ces organismes meurent, ils sédimentent
dans les eaux profondes où ils sont dégradés par les bactéries contribuant
ainsi à enrichir les eaux profondes en CO2. Ainsi, lorsque l'océan est
d'avantage brassé par les vents, cela conduit à des apports plus importants
de CO2 en surface depuis les couches profondes et par conséquent une moindre
capacité d'absorption par l'océan du CO2. C'est la première fois que des
mesures de terrain viennent confirmer le rôle des changements climatiques
sur le cycle du CO2 océanique dans l'hémisphère sud.
Les chercheurs de l'IPSL ont utilisé leurs mesures pour estimer l'efficacité
du puits de carbone océanique sur une plus grande échelle géographique :
celle de tout l'océan Austral. Ils ont mis en commun les données du
programme OISO avec d'autres données internationales de CO2 océanique. Avec
leurs
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collègues, ils ont revu à la baisse le puits de carbone dans l'océan Austral,
grâce notamment aux observations menées pendant
l'hiver austral. Le puits de carbone serait 10 fois
inférieur aux précédentes estimations : il serait ainsi de 0,05 gigatonne de
carbone/an (GtC/an) au lieu de 0,5 GtC/an).
N. Metzl et ses collègues ont également pris part à
l'analyse du puits de CO2 océanique dans l'Atlantique Nord (8), en associant les
données récoltées dans cette région depuis 1993 (9) à d'autres données
internationales. Conclusion : le puits de CO2 a diminué de 50 pour cent de 1996
à 2005 dans l'Atlantique nord. Le mécanisme proposé par les chercheurs semble
pour l'instant davantage lié à l'oscillation des conditions météorologiques
qu'au changement climatique (10).
Au sud comme au nord, on assiste depuis plus de dix ans à une diminution des
puits de carbone océaniques, ce qui va dans le sens d'un renforcement du taux de
CO2 dans l'atmosphère et donc du réchauffement climatique. Jusqu'où cela peut-il
aller et quelles seront les conséquences sur le climat futur ? Pour le savoir,
les chercheurs doivent poursuivre ces observations et tenir compte de ces
nouveaux résultats pour valider les modèles, notamment les modèles couplés
climat/carbone intégrant la biologie marine tels ceux utilisés dans le cadre des
rapports du GIEC . En effet, les modèles actuellement utilisés pour les
prédictions climatiques ne simulent pas correctement l'évolution du CO2
océanique observé depuis deux décennies dans les hautes latitudes nord et sud.
Notes :
(1) Institut national des sciences de l'Univers
(2) Institut polaire français Paul-Emile Victor
(3) Institut Pierre Simon Laplace, qui regroupe six
laboratoires mixtes du CNRS
(4) un puits de carbone est un réservoir naturel de carbone
qui absorbe le CO2 de l'atmosphère et donc contribue à diminuer la quantité de
CO2 atmosphérique
(5) Laboratoire d'océanographie et du climat :
expérimentations et approches numériques (LOCEAN – laboratoire
CNRS/UPMC/MNHN/IRD)
(6) Océan Indien Service d'Observations
(7) navire affrété par l'IPEV et les Terres australes et
antarctiques françaises
(8) dans le cadre du projet européen CARBOOCEAN.
(9) dans le cadre de l'observatoire SURATLANTE de l'INSU
(10) voir l'article correspondant sur le site de l'INSU
Consulter le site web,sautes-humeur-puits-carbone-atlantique-nord.html
(11) Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat,
Consulter le site web,giec-recompense-par-nobels.html
Références :
Les résultats présentés ici font la synthèse de trois articles parus dans Deep-Sea
Res II, special issue SOCOVV meeting, UNESCO/IOCCP, publié en ligne le 8 février
2009.
- Decadal Increase of Oceanic Carbon Dioxide in the Southern
Indian Ocean Surface Waters (1991-2007), Metzl, N.
-Climatological Mean and
Decadal Change in Surface Ocean pCO2, and Net Sea-air CO2 Flux over the Global
Oceans. Takahashi, T., and 28 co-authors.
-Trends in North Atlantic sea surface pCO2 from 1990 to
2006, Schuster, U., A.J. Watson, N. Bates, A. Corbière, M. Gonzalez-Davila,
N.Metzl, D. Pierrot and M. Santana-Casiano.
Source :
http://www2.cnrs.fr/presse

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