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L'enjeu est de taille :
lancer sur le marché un produit capable de le surpasser. La santé de la
planète attendra. Les plus pessimistes l'avaient annoncé, quitte à être
traités d'écologistes radicaux et par conséquent ennemis du progrès et de la
science. Les mauvaises herbes ont fini par résister au célèbre herbicide
Roundup. Monsanto en a pris conscience, mais ses solutions ne présagent rien
de bon pour la santé des terres cultivables de la planète.
Petit retour en arrière. En
1970, John Franz, chimiste chez Monsanto, découvre les propriétés d'une
substance capable de sécher et de tuer les plantes: le glyphosate. Un produit idéal pour éliminer les mauvaises herbes qui
prolifèrent dans les champs cultivés. Le glyphosate était considéré comme
moins nocif pour la santé que les autres substances de l'époque.
Petit inconvénient : cet
herbicide, qui sera commercialisé en 1974 sous le nom de Roundup, tue aussi
les bonnes plantes à consommer.
C'était sans compter sur les chercheurs de Monsanto, qui découvrirent un
gène capable d'immuniser les plantes contre les effets du Roundup. Il
suffisait donc de modifier génétiquement les plantes à protéger afin que
l'herbicide ne fasse que son effet sur les mauvaises herbes.
Un herbicide vedette.
Pendant des années, Monsanto a donc vendu aux agriculteurs le Roundup avec
les graines modifiées génétiquement. Malgré l'opposition de nombreuses
associations écologistes et même de certains gouvernements,
le succès du Roundup a été fulgurant. Les ventes record de l'herbicide
vedette ont été accentuées par un phénomène important : en 2000, le brevet
qui le protégeait est arrivé à échéance. L'ouverture à la
concurrence a permis de faire baisser les prix et le glyphosate s'est vendu
comme des petits pains à travers le monde.
Ces dix dernières années, le succès a été tel que les herbicides à base de
glyphosate ont pratiquement supplanté tous les autres. La revue Science du
25 mai 2007 estime que le Roundup a fortement contribué au développement des
cultures OGM. Ces onze dernières années, les surfaces agricoles de produits
OGM ont été multipliées par soixante !
Aux Etats-Unis, selon Syngenta, le 56% des cultivateurs de soja
n'emploient que du glyphosate.
Résultat : de part cette
pression
sélective, la nature s'adapte et fini par résister. Des mauvaises herbes
résistantes ont commencé à pousser un peu partout. La première mauvaise
herbe « rebelle » est apparue en 1996. Aujourd'hui, on en compte une
douzaine. Les pays les plus touchés sont les Etats-Unis, l'Argentine,
l'Afrique du Sud et l'Australie. Cela prouve que, malgré |
ce que prétendent les
anti-darwiniens, la nature est capable d'évoluer à tout moment et à
s'adapter pour survivre. Ces mauvaises herbes sont notamment
parvenues à retenir l'herbicide dans leurs feuilles, sans le faire
descendre dans les racines, là où il aurait été fatal. Un coup de génie !
Le plan B de Monsanto.
Face à cette situation, il existe trois solutions : a) opérer un tournant
radical et produire des cultures biologiques sur toute la planète ; b)
ralentir l'emploi du glyphosate pour éviter de passer à des substances bien
plus nocives, quitte à diminuer le rendement des terres ; c) chercher des
herbicides plus puissants et vendre les graines OGM
qui vont avec.
La deuxième solution est appliquée actuellement, mais ce n'est qu'une
phase de transition, puisque Monsanto a d'autres idées dans ses tiroirs.
L'herbicide de dernière
génération s'appelle « dicamba ». Il existe
depuis quarante ans, mais ce n'est qu'en 2003 que Monsanto a découvert la
modification génétique à opérer sur les plantes pour le rendre très
efficace. La multinationale de l'agroalimentaire assure qu'il sera
commercialisé dans sa nouvelle version dans trois ans, et son brevet durera
vingt ans. L'assainissement des terres, des rivières et la culture
biologique à l'échelle de la planète attendront.
Sarah Tobias
Cet article est paru dans le quotidien il manifesto du jeudi 31 mai 2007.
- Traduit et adapté par Luca Benetti.
- Source : Le Courrier de Genève, mardi 5 juin 2007
www.lecourrier.ch
http://www.legrandsoir.info

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